L’Afrique subsaharienne affiche aujourd’hui l’un des taux d’urbanisation les plus rapides au monde (UN Habitat, 2022). Cette mutation continuelle n'est pas sans conséquences sur la pratique de l’agriculture urbaine (AU). Or, on observe des lacunes dans les connaissances concernant la complexité des liens entre l’AU et l’urbanisation (Seto & Ramankutty, 2016). En effet, dans la littérature existante, l’AU est expliquée par les forces structurantes de changement induites par l’urbanisation. Toutefois, peu d’études adoptent une approche inverse. De plus, les études tendent à se concentrer sur les villes de taille importante (environ un million d’habitants), mais pas sur les villes moyennes (Graefe et coll., 2019). Pour combler ces lacunes, la présente étude vise à comprendre comment les pratiques et motivations sous-tendant l’AU reflètent les changements dans des villes de différentes tailles au Cameroun (Yaoundé et Bafoussam). Sur le plan théorique, l’étude s’appuie sur l’urbanisme quotidien en utilisant deux concepts clés : l’accès à la terre et la gouvernance urbaine/quotidienne. La méthodologie adoptée consiste en des entrevues semi-directives avec une vingtaine d’agriculteurs et une dizaine de gestionnaires pour chacune des deux villes. Les résultats nous révèlent qu’à Yaoundé, les gestionnaires ont des avis différents sur les principales motivations des agriculteurs (la sécurisation foncière, l’argent et la passion), par rapport aux motivations réelles exprimées par les agriculteurs eux-mêmes (la passion, la nourriture et l’argent). En revanche, à Bafoussam, les avis sont similaires entre les deux groupes : l’argent, la nourriture, le style de vie et la santé. Pour ce qui est des pratiques, on assiste à une professionnalisation croissante de l’activité agricole dans les deux villes, facilitée par un processus plus global, soit la mondialisation. Ces divers résultats nous permettent de comprendre comment les pratiques et les motivations qui sous-tendent l’AU reflètent les changements dans les deux villes, que ce soit sur les plans économique, social/culturel ou démographique. Dans l’ensemble, le projet contribue à enrichir les débats théoriques sur l’AU dans les pays du Sud.